Paris Saint-Charles Observatoire (english here) (Home)

Un pari un peu fou, trouver un appartement dans le XVieme arrondissement de Paris avec une terrasse et y faire de l'astronomie. Et puis un jour...

Première lumière, 2 Janvier 2011

Paris Saint-Charles Observatoire... en configuration pour faire les images de flat. Derrière l'immeuble au loin, le haut de la Tour Eiffel et son phare - avec Christian Buil

Le site

Situé dans le XVième arrondissement de Paris, rue Saint-charles, près du boulevard de grenelle et à 900m environ de la Tour Eiffel, l'appartement au 3ième étage a la particularité d'avoir une terrasse "de toit". L'escalier dans le séjour donne à l'étage sur une petite loggia qui elle-même s'ouvre sur en fait deux terrasses. L'une pour se détendre et l'autre transformée en observatoire. N'étant qu'à la hauteur des quatrièmes étages, le site est entouré d'immeubles d'environ 5-6 étages, avec un horizon un peu plus ouvert vers le sud-est et un immeuble de bureau de 8 étages coté ouest. Les bureaux occupés par la DCNS ont le bon goût d'être éteints le soir venu.

On peut voir d'autres images du "site" sur Flickr

Outre la pollution lumineuse, le site semble assez "turbulent" avec les toits alentours et la sortie VMC de l'immeuble. En hiver, toutes les sorties d'air soufflants certainement de l'air chaud, il y a des zones très turbulentes qu'il faudra à termes repérer et surveiller.

L'instrumentation

Le télescope est un C9 version SC sur une monture Astro-Physics Mach1 GTO, et un pied Losmandy. L'ensemble a été achété chez F.Valbousquet - Optique et Vision - à Juan-les-pins. La reception s'est faite aux rencontres du ciel et de l'espace, qui étaient attendues... Le montage et la mise en route n'ont rencontré aucun problème si ce n'est la nécessité de rajouter des contre-poids. L'ensemble spectro et caméras ont un poids supérieur aux instrumentations classiques.

Le spectro est un LhiresIII, à Christian, équipé d'un réseau de 1200tr/mm avec une fente à 35 microns. La caméra CCD est une QSI583. Pour le guidage, une watec 120N avec une interface WIFI pour piloter le gain sans avoir à se déplacer. Le tout vient de la société Shelyak Instruments de nos amis François Cochard et Olivier Thizy.

Le PC et donc le contrôle se fait depuis la loggia, au chaud. Un seul cable USB part vers le telescope. 

Avec dans les mains l'interface Wi-Fi pour contrôler le gain de la watec qui assure le guidage de l'étoile sur la fente du spectro
Christian Buil, en poste dans son deuxième observatoire...

Un chercheur électronique a été monté à l'avant du tube optique. Il consiste en une deuxième caméra watec avec un objectif nikon de 50mm ouvert a f/1.4 - le signal vidéo est envoyé à un petit moniteur TV. La focale de l'objectif est un peu faible. Il faudrait plutot un 100 ou 135mm mais l'outils se révèle utilisable en l'état. A l'oeil nu il est déjà difficile de pointer des étoiles proche de la magnitude 3... donc les conditions essentielles est d'avoir un bon chercheur, sensible et surtout une bonne monture qui permet de pointer avec précision une fois les calibrations faites. Ce fut un succès total, la Mach One est une horloge... la mise en station s'est faite une nuit précédente, en utilisant l'une des méthodes proposés dans la documentation (pointage alternativement de la polaire et d'une étoile à + ou - 4hrs d'écart en Asc Droite de la polaire - "Calibrating with Polaris"). Le suivi s'est avéré également excellent.

Sur l'image ci-dessous, on peut voir le champ couvert par le chercheur électronique et le 50mm, ainsi que les magnitudes des étoiles faibles autour de Epsilon Aurigae.

Region d'Epsilon Aurigae - les étoiles de mangintude 7 sont tout à fait repérables. On peut apercevoir les délicates marques bleues qui repèrent la position de la fente du spectro
Le champs du moniteur du chercheur électronique

Le même, mais lors du passage du phare de la Tour Eiffel...

Le schéma d'ensemble de la manip est classique mais nécessite pas mal de cablage. Cette partie devra être revue et optimisée. La raquette de la Mach1 est connectée au PC par une liaison RS232-UBS serie.

Le schéma de cablage du spectro - le Hub USB reste au pied du télescope. Un seul cable USB part vers l'intérieur du batiment. La caméra de guidage, la caméra CCD et le contrôle de la monture sont reliés au hub.

Le pilotage se fait au travers d'AudeLA. La mise en route de l'autoguidage de l'étoile sur la fente du spectro a été immédiat ! avec la nouvelle version d'AudeLA il est devenu très facile de définir la position de la fente sur l'image video numérisée de la watec du spectro. Le protocole de controle de la Mach1 se fait sous protocole LX200 avec le driver Astro-Physics. Les seules opérations qui restent non contrôlées à distance sont la mise au point (mais cela sera possible avec le robofocus) et la mise en route de la lampe néon pour la calibration spectrale.

Observations

Le ciel n'a offert qu'une courte trouée. La première étoile pointée fût donc une étoile brillante, Capella. Ce n'est pas l'idéal pour faire la courbe de réponse instrumentale, car Capella est une étoile "froide" de type G5III qui présentent de nombreuses raies dans son continuum. Nous avons pu ensuite enchaîner avec la fameuse étoile Epsilon Aurigae qui est en phase d'éclipse et dont on connait peu de chose sur l'objet qui l'eclipse, d'où la campagne actuelle d'observations internationales et finir in extremis avec Zeta Tau, l'etoile Be par excellence.

Capella

5 poses de 10 secondes chacune... bien suffisant pour une étoile de magnitude 0.08. La fente est de 35 microns, ce qui est assez large mais ce fut preféré pour un premier essai. Le flux a donc été privilégié au détriment (léger) de la résolution. L'echantillonage est de .4 ang/pixel

Pose de 10 secondes brute
Après traitements - 5 poses de 10 secondes soit une durée totale d'exposition de 50 secondes
Le spectre de Capella - domaine spectral de 680 angströms environ, entre 6280 et 6960 Ang. - La raie H-alpha est au centre, la bande d'absorption moléculaire O2 de l'atmosphère est visible dans le rouge, à droite.
Epsilon Aurigae

7 poses de 180 secondes chacune - Eps Aur est une étoile de magnitude 3.03 mais a la particularité d'être une étoile variable, à éclipse. 

La période de l'éclipse est de 27.1 ans et sa durée est particulièrement longue, près de 2 ans. Elle est actuellement à la fin de sa phase d'éclipse, commencée vers Août 2009. Malgré les nombreuses observations professionnelles et amateurs, en photométrie, spectrométie et polarimétrie la nature de l'eclipse reste un mystère. Un disque de gaz, un objet compagnon particulier ? nul ne le sait avec certitude, mais chaque éclipse apporte son lot de réponses et de nouvelles questions. Pour suivre le détail de cet objet, il faut se referer au site specialisé sur la campagne 2009 ici. L'objectif est pour les amateurs de spectroscopie de faire des spectres le plus régulièrement possible afin de suivre les évolutions du profil des raies spectrales et d'en déduire des informations sur les vitesses, composition et paramètres physique du système Eps Aur. Le spectre obtenu ici sera communiqué a Robin Leadbeater, astronome amateur anglais qui collecte les données amateurs et fait une première analyse des résultats.

Pose de 180 secondes brute - signal autout de 20000 - fond autour de 400
Après traitements - 7 poses cumulées de 180 secondes soit un total de 21 minutes d'exposition
Le spectre de Esp Aur - domaine spectral de 680 angströms environ, entre 6280 et 6960 Ang. - La raie H-alpha est au centre, on note le pic d'émission sur l'aile rouge de la raie H-alpha, pic qui évolue au cours des mois.
Zeta Tau

4 poses de 300 secondes chacune - Zet Tau est étoile de magnitude 3 et de type spectral B4IIIe - le "e" est pour émission car sa raie H-alpha est en émission contrairement aux étoiles B de même classe de luminosité (non-super-géantes).

Zeta Tau est une étoile binaire, bien connue des spectroscopistes amateurs et le prototype même de l'étoile Be qui a un profil de raie variable aux cours des mois. On peut se réferer aux spectres de la base BeSS de Meudon depuis le site amateur Arasbeam ici. Le premier spectre amateur de Zet Tau a été fait par moi-même et Daniel Bardin au T60 du Pic du Midi en février 1991. Le spectre obtenu sera déposé dans la base BeSS.

Pose de 300 secondes brute
Après traitements - 4 poses cumulées de 300 secondes soit un total de 20 minutes d'exposition avec de forts passages nuageux en fin d'observations.
Le spectre de Zet Tau- La raie H-alpha est en émission avec une forte absorption centrale. On note la raie de l'Hélium vers 6678 angströms.
La raie H-alpha actuelle observée en bleu (0.4ang/pixel) et en violet le profil de février 1991, avec le spectro Bardin (1Ang/pixel)
Le "flat"

Pas de bonnes observations sans faire un "Flat" ou plage de lumière uniforme pour trouver les imperfections de réponse et les corriger. La méthode mise en oeuvre est celle de la lampe halogène sur un pied photo placée à une distance d'un mètre environ de l'entrée du telescope. La face avant du télescope est recouverte d'un papier calque pour diffuser la lumière. La lampe halogène à une réponse spectrale continue et donc ne produit pas de raies dans l'image. 

Flat - Médiane de 11 images - temps de pose unitaire de 10 seconde - une poussière peut-être sur la fente provoque l'absorption au quasi centre de l'image. Il est utile de repéré cet endroit car y placer l'étoile serait une perte de flux garanti.
La lampe Halogène puissante, achetée chez "Zola-Color" qui peut faire douter les voisins que l'on fasse en ces lieux de l'Astronomie scientifique... et le calque que l'on voit dépasser du tube car sommairement scotché.
Un astronome toulousain a assuré la livraison du spectro et la construction de la lampe à flat

Les spectres

L'échantillonnage de 0.4 ang/pixel donne un spectre de moyenne résolution. Capella a été utilisée pour calculer la réponse instrumentale. Pour cela, il a été trouvé dans la base Elodie un spectre professionnel de Capella en format fits mais les ondulations du continuum reste suspect pour une calibration en flux. Il a été preféré un spectre de la bibliothèque de Visual Spec, de type spectral G5III. Sous Visual Spec on a ensuite extrait la réponse instrumentale en comparant le spectre théorique "pro" avec notre spectre enregistré.

En bleu, le spectre de capella obtenu et en violet le spectre G5III de la bibliothèque de Visual Spec (Pickles)
La courbe de réponse instrumentale extraite avec Visual Spec - Elle est ensuite utilisé au format .dat dans les traitements de RLhires

Le spectre de la base Elodie à un échantillonage de 0.05 ang/pixel et peut être comparer avec celui obtenu. On fera abstraction des variations de continuum et des pixels absents sur le profil Elodie dans cette comparaison. On peut voir que les principaux groupe de raies sont bien présents, correctement calibrés et donc ce spectre est fiable.

En rouge, le spectre de capella obtenu et en bleu clair le spectre Elodie. De nombreuses raies sont présentes, car la température d'une étoile de type G5 est de l'ordre de 4700°K
Zoom sur la région 6400-6580 - comparaison avec un spectre Elodie de Capella
Zoom sur la région 6510-6589 - comparaison avec un spectre théorique généré par le logiciel Spectrum à un pas de 0.1 angström. Les raies que l'on perçoit sur le spectre réel sont en fait une multitude de raies non-résolues. Il est dificile dans ces conditions de dire avec exactitude quel élément produit la raie. Etant donné le type spectral beaucoup sont des raies du fer.
Avec Visual Spec, superposition des raies du spectre du Fer avec notre spectre de Capella

Spectre d'Epsilon Aurigae - domaine spectral entre 6280 et 6690 angströms
Zoom sur la région de la raie H-alpha - le pic vers le rouge est décalé d'environ 2.5 angström soit un décalage doppler de 115km/s

Spectre de Zeta Tau - domaine spectral entre 6500 et 6690 angströms
Compilation "2010" sur la raie H-alpha de Zet Tau, sans correction héliocentrique

En conclusion

Faire de la spectroscopie "scientifique" quasi au pied de la Tour Eiffel est donc possible... Avec un spectrographe on "regarde le ciel" dans une toute petite partie des longueurs d'onde, on est donc moins sensible à la pollution lumineuse. C'est comme faire des images avec des filtres, si les lampes alentours n'eclairent pas dans ces domaines de longueur d'onde le ciel est plus noir.

La turbulence peut être un plus gros soucis. L'effet en spectro est de reduire le rapport signal à bruit car l'etoile "danse" et est étalée ce qui ne concentre plus le flux sur la fente pendant le guidage.

"Tu verras, une terrasse sur le toit ce sera comme un petit observatoire"
18 Nov 2006, jour de pré-réservation de l'appartement...